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  • : Le blog de cimo
  • : émotions, coups de coeur, coups de gueule, délire, humour, dérision... à lire selon votre humeur!
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16 décembre 2008 2 16 /12 /décembre /2008 00:00
Faire les paliers ,facile à dire ...
Sonner aux portes et poser les questions qui me tenaient à cœur ?Ce serait une approche directe correspondant à mon tempérament . Mais je savais que cette façon de faire avec des personnes qui se méfiaient de tout et de tous était vouée à l'échec . Me restait donc la rencontre fortuite ,dans les escaliers , la bouche en cœur , les bras ouverts , enfin ...autant que je le pourrais . Je ne sais pas jouer du violon ,d'aucun instrument d'ailleurs ,mais je me souvenais avoir fait du théâtre amateur ,ça devrait me servir .
-Bonjour ,madame PROFATIG ,comment allez - vous ?
-Très bien merci .
Ca se présentait plutôt moyen . L'inimitié c'est souvent comme le coup de foudre , réciproque et immédiat . J'essayais donc la flatterie .
-Puis-je me permettre de vous dire que je vous trouve très élégante ? Ce foulard fuchsia ! Une vrai touche de bon goût !
De la façon dont elle me regarda alors je pus suivre le moindre mouvement de ses neurones .
-Se ficherait-il de moi ? Il a l'air tellement benêt ,non , ma parole il...il a l'air de me trouver réellement agréable oui c'est bien un regard d'homme qui ...
En la voyant brusquement rougir je me dis que j'aurais dû persévérer dans la comédie . J' en profitais pour relancer la conversation .
-Appréciez-vous comme moi le calme de cette maison ?
-En effet vous avez raison de souligner cela . Vous savez il y a beaucoup de personnes âgées calmes et pondérées comme il sied à cette période de la vie .
Instinctivement je regardais ma main droite au cas où , à mon insu , on m'y aurait déposé une tasse de thé . Non je n'étais pas dans le salon de la comtesse ! Je me repris et sur le même ton :
-Certes vous êtes une des exceptions en l'occurrence et la plupart de nos voisins sont sans doute plus enclins à écouter du CHOPIN et du MOZART que du Rock ou du Rap , faire collection de timbres plutôt que monter ou descendre les escaliers quatre à quatre .
Je retins mon souffle . Avais-je été assez naturel ,allait-elle me laisser choir ,devinant l'ironie ?
Elle esquissa un sourire vite réprimé - on ne se laisse pas aller devant un inconnu - mais je la sentais tout de même moins tendue .
-Il est curieux que vous me parliez de collection de timbres . Mon défunt mari s'y adonnait mais je n'y connais rien et j'avoue le peu d'intérêt que j'éprouve à cet égard .
-Mais vous avez peut-être un trésor en votre possession minaudais-je ?
- J'en serais fort étonnée car j'ai montré cette collection à monsieur LORCON et il m'a fait comprendre          que mon pauvre mari était plus enclin à juxtaposer les couleurs , plutôt comme un peintre que comme un éminent spécialiste cherchant à dénicher la rareté valorisante .
Si monsieur LORCON, décidément omnipotent , s'était prononcé , la messe était dite .
-Monsieur LORCON est donc un expert ? Je croyais que c'était monsieur CARPANINI ?
-De fait ils le sont tous les deux mais j'accorde simplement plus de confiance à l'un qu'à l'autre ,d'autant que CARPANINI est un ami de CARPENSA le voisin du dessous de monsieur LORCON .
Voilà donc la boucle bouclée . J'avais affaire à une autre inconditionnelle du malin manipulateur LORCON . Manipulateur ou seul détenteur d'informations gênantes ?
Je n'avais plus rien à tirer de cette dame . Je décidais d'en rester là .
-Je vais devoir vous quitter Madame PROFATIG ; je vous souhaite une excellente journée . Ah ce fuchsia !...
Pas très fier de moi , je dévalais les escaliers pour atteindre l'air frais sinon pur de la rue .
 
Je récapitulais : un grand père sympa et deux petits fils à l'esprit collectionneur , désireux de faire plaisir à papy,
un italien expert et victime d'un vol de courrier ,un vieux pingre coquin , également expert ,mauvais comme la gale, teigneux ,bien déterminé à conserver sa suprématie sur l'immeuble ,un GROSTAERA aux allures d'exécuteur des basses oeuvres   , une veuve impressionnable . Ah j'allais oublier l'ancien gérant de société, monsieur MARPOS .Tous pouvaient être soupçonnés de rechercher , par tous moyens , à assouvir leur passion.
 
Ça se compliquait eu égard aux nombreux suspects potentiels . Par contre si l' on retenait la seule thèse d'un collectionneur le champ d'observation était relativement restreint .
Et pourtant sans que je puisse le formuler clairement cette seule voie ne m'apparaissait pas crédible à cent pour cent .
 
Quelques jours plus tard mes doutes trouvaient une ébauche de fondement . L'annonce du prochain tiers provisionnel ,le miel de Bercy , ne m'étant point encore parvenu , je téléphonais à mon contrôleur préféré pour le prier de bien vouloir me l'expédier . Il m'informa alors que la chose avait été faite depuis plus de quinze jours .
 
 
5
 
 
Le facteur me confirma avoir déposé ce genre de courrier, très reconnaissable, pour la plupart des habitants de l'immeuble , voilà une bonne dizaine de jours . Mon courrier s'était donc égaré . Ma boîte à lettres n'ayant pas été forcée ,restait à savoir comment . Une erreur du facteur ? Peu probable ,il connaissait son monde sur le bout des doigts depuis vingt ans qu'il assurait sa tournée dans le quartier .
Il ne s'agissait plus de timbres et d'actes commis au nom d'une passion .
Il y aurait ainsi deux types de prédateurs dans cette communauté ? Comment y croire et du coup vers qui orienter les soupçons ?
Cette affaire ou plutôt ces affaires prenaient une tournure plus que déplaisante .J'avais été imprégné- comme , je pense , la majorité des gens de ma génération - du caractère quasi sacré et en tout cas inviolable du courrier .
Dans ces murs d'apparence vieillotte et paisible, tapie, sournoise , quelle vilenie derrière les portes palières ?
Et derrière lesquelles ?
 Je n'éprouvais aucun penchant à résoudre les énigmes et j'étais prêt à chasser celle-ci de mon esprit . Après tout mon préjudice était inexistant ; il est bien précisé par notre bien aimé fisc que nous sommes tenus de verser notre contribution à l'échéance en l'absence de toute autre précision de ses infaillibles services . Peut être malgré tout était -ce une erreur du postier et le quidam ayant ouvert par mégarde une enveloppe qui ne lui était pas destinée n'aura pas osé le dire par crainte d'une éventuelle suspicion ...
Restait tout de même le doute , ce poison de doute . Je savais sans vouloir encore me l'avouer , que je n'aurais de cesse d' avoir une explication fiable et rationnelle .
 Une rencontre tout à fait fortuite allait me conduire bien plus loin que je ne l'aurais souhaité .
Je partais acheter notre pain quotidien lorsque je tombais nez à nez avec GROSTAERA .La journée commençait mal. Pourtant il paraissait tout calme , tout doux . Après m'avoir très correctement salué , m'abreuvant d'oiseuses considérations sur le temps et , allez savoir pourquoi ,sur ces parisiens et autres étrangers qui font monter les prix de l'immobilier , il posa la question qui lui brûlait les lèvres .
-Avez -vous réfléchi à ce que je vous ai dit l'autre jour ?
En toute mauvaise foi je prétendis ne pas me rappeler le sujet évoqué .
-Au sujet des compteurs d'eau quel camp choisissez-vous ? Celui des gens qui n'habitent ici que quelques semaines par an ou ceux qui sont résidents permanents ?
Je savais bien que ma réponse n'allait pas lui plaire .
-Je ne vois pas très bien pourquoi je devrais choisir . Nous sommes tous copropriétaires et le fait que nous soyons présents ici , souvent ou non , ne change rien à l'affaire . Nous devons payer l'eau que nous consommons ni plus ni moins et pour cela il existe des compteurs .
-Vous rendez-vous compte qu'installer ces compteurs entraînera des frais et que la facture au total sera plus lourde ?
-Oh il ne faut rien exagérer la pose coûte moins de cinquante euro quant à la consommation chacun doit l'assumer .
-Croyez-vous donc que tout le monde a les mêmes moyens que vous ?
-Et quels moyens ai-je donc que les autres n'ont pas ?
-On entend des choses vous savez , le train de vie , les impôts...
-Pardon ! Vous voulez dire qu'ici on discute des impôts des uns et des autres ? Et sur quels fondements s'il vous plaît ?
-Ben ... je ne sais pas moi , je disais ça comme ça ,les gens parlent ...
-Ah oui ! qui ? où ? Quand ? J' allais perdre mon sang froid , j'inspirais profondément . Monsieur GROSTAERA
vous m'en avez trop dit ,dites-moi qui répand ces sornettes !
-Ne comptez pas là dessus et rappelez-vous :choisir son camp ! Il battait en retraite et je ne le retins pas . Il ne dirait rien de plus mais j'avais maintenant une piste sérieuse .
J'étais désormais persuadé que la correspondance des impôts n'était pas perdue mais aux mains d'un ou de plusieurs personnes animées des meilleures intentions de nuire .
Quoi qu'il en fut je pouvais rayer un suspect de ma liste : GROSTAERA . S'il avait été l'auteur du détournement il ne m'aurait pas parlé en ces termes si stupide soit-il . Il n'avait commis son indiscrétion que sous le coup de la colère ,j'en étais convaincu .
De plus je pouvais écarter mes petits princes que je n'avais d'ailleurs jamais réellement soupçonnés .
MARPOS pouvait également être disculpé . Tiens voilà que j'employais un langage de policier ! Je commençais à être pollué par cette malignité . Je promis de me surveiller . Il ne me faudrait pas tomber dans ces misérables menées de sales petits bonshommes sous peine de leur ressembler bientôt .
Cette seule perspective me redonna tout le tonus dont j'aurais besoin dans les heures à venir . Je venais de décider d'aller traquer la bête en sa tanière .
 
6
 
 
 
 
 
 
Selon une habitude maintenant établie je me dirigeais vers le bord de mer afin de réfléchir à la manière
d' aborder l'ignoble . Comment le faire avouer ? Comment l'amener à parler de ses complices car je n'avais aucun doute à ce sujet , il ne pouvait agir seul . Qui pouvait le prévenir de l'arrivée de courrier intéressant ?
Suzanne à qui j'expliquai la situation me conseillait de m'adresser à la police ,mais je savais bien que celle-ci
ne pourrait pas grand chose . Nous n'avions pas le moindre élément matériel à faire valoir .
Je me rendais compte tout d'un coup que la tâche s'annonçait rude et que l'entrevue ne s'imposait qu'afin que nul n'ignore être démasqué . Il ne me fallait pas en attendre davantage . Passons une nuit là dessus décidais-je .
C'est ainsi qu'à la première heure je me tenais prêt .
Mais que se passait-il donc ? Des cris de femmes , une voix d'homme aisément reconnaissable ( LORCON ) ,une galopade dans les escaliers et des portes qui claquent violemment .
J'allais m'enquérir de ces curieux mouvements lorsque je me heurtais à deux ambulanciers qui se dirigeaient vers l'appartement des LORCON .
Est-ce que le vieux coquin serait souffrant , pensais-je sans la moindre émotion ?
Le brancard ne portait pas le vieux mais une vieille dame blanche comme la craie . J'eus le temps de capter son regard avant que la porte de l'ascenseur se referme .
Un regard exprimant la souffrance bien sûr mais bien plus que cela . J'avais eu l'occasion par le passé de rencontrer cette souffrance mêlée de désespoir mais encore de honte .
Bon sang de bonsoir ce n'était donc pas un simple malaise ! Le vieux salopard !
Je ne fus pas surpris de voir deux policiers sonner à la porte que l'infâme avait promptement claquée dés le départ de sa femme .
- Je remontais chez moi quelque peu nauséeux . Ainsi il battait sa femme ! J'avais tout imaginé mais ça , ça dépassait l'entendement .
Deux heures plus tard un des policiers se présentait à ma porte . Après s'être assuré de mon identité il me tendit une enveloppe ouverte . Une enveloppe de l'administration fiscale contenant l'appel du tiers provisionnel trouvée me dit-il avec d'autres concernant la quasi totalité des propriétaires et locataires .
Vous a-t-il dit comment il se les procuraient ?
-Lui non mais la jeune fille qu'il employait au noir , en la payant selon son humeur (ce qui l'a décidée à alerter les services sociaux ) ;ses dires ont été confirmés par sa femme qui va dorénavant vivre chez sa fille . En fait il s'était constitué au fil des ans un jeu de clés ouvrant toutes les boîtes aux lettres .
-Bien mais comment connaissait-il l'arrivée d'un courrier intéressant pour ses sales manigances ?
-D'après la petite femme de ménage il sondait le facteur qui , bien involontairement , le renseignait ne se méfiant pas de ce vieux monsieur qui se montrait si gentil à son encontre lui prodiguant même des conseils pour placer ses économies. Je m'imaginais bien la scène en effet " -Ah mon cher Joseph vous devez être éreinté par cette chaleur . Dites donc votre sacoche est bien grosse aujourd'hui ?
M'en parlez pas c'est le fisc qui pèse disait-il en riant . Et ça arrive toujours en même temps ce genre de choses" ...
-Il est même probable , poursuivait le policier , qu'il obtenait de l'aide d'un autre habitant mais nous n'avons pu avoir de certitudes et comme aucune plainte n'a encore été déposée nous en resterons là pour l'instant .
Je le laissai partir sans rien dire et pourtant je savais qui était le complice . Je devais me concerter avec les autres victimes .J'étais toutefois sûr qu'il n'y aurait plus de vols de courrier dans l'immeuble .
Ainsi il tenait son pouvoir , son dérisoire pouvoir de vieillard tyrannique , grâce aux renseignements contenus dans le
courrier volé .Aux yeux de gens influençables ça lui donnait l' aura d'un gourou !
Mais il faut bien l'avouer , s'il n'avait pas été aussi pingre , la femme de ménage ne l'aurait probablement jamais dénoncé.
Les façades bourgeoises peuvent ainsi cacher bien des misères et ZOLA serait peut-être bien étonné d'avoir à décrire
encore les mêmes turpitudes qu'en son temps . Le temps qui ne fait décidément rien à l'affaire !...
 
 
7/7
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commentaires

K
une suite bientôt peut-être...?:0055:<br /> <br /> Une délicieuse fin d'année à toi Cimo... de la magie, de la chaleur...<br /> :0010:
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C
Une intrigue tout à fait passionnante pour une peinture sociale caustique et pleine d'humour !Bravo pour cette nouvelle très agréable à lire !
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K
Une enquête digne d'Hercule Poirot... excellent!<br /> koah
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